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«Verschiebung im Gestein»

Le premier roman de Mariann Bühler ne parle pas de chutes ou d'évasions spectaculaires, mais des décalages presque imperceptibles qui se produisent dans le cours apparemment prédéterminé d'une vie. Dans un village des montagnes suisses, les chemins de trois personnes qui se connaissent à peine se croisent: Elisabeth a décidé, après le décès de son mari, de reprendre la boulangerie de ce dernier et apprend elle-même à faire du pain. Alois reprend la ferme de ses parents sans l'avoir demandé, mais s'autorise désormais à faire une pause et part pour une longue randonnée. Une jeune femme tutoyée va chercher dans le village où elle a grandi la clé de la maison tessinoise où, enfant, elle passait ses vacances avec ses grands-parents. L'auteure décrit avec précision et sensualité le monde dans lequel vivent ses personnages. Comment ceux-ci se comportent-ils avec leurs proches, avec les attentes de la société, avec les expériences d'exclusion et de violence, avec leurs souvenirs, leurs désirs et leurs rêves? Peut-on prévoir ce qui les attend ou de nouvelles possibilités s'ouvrent-elles? Beaucoup de choses ne sont qu'esquissées, des phrases s'interrompent. C'est ainsi que l'histoire de Mariann Bühler, qui s'entrelace avec art et se raconte pourtant sans prétention, fascine les lecteurs.

«Une singularité»

Le jour où une équipe scientifique photographie pour la première fois un trou noir, Abel Fleck est victime d’un AVC. Les scanners indiquent qu’il ne garde pas de séquelles de son accident, mais ne suffisent pas à le rassurer: il plonge peu à peu dans la folie, persuadé que le trou noir s’est logé dans son cerveau. Toute son attention, fragmentée par des délires paranoïaques et des absences vertigineuses, sera désormais consacrée à la dissimulation de son état physique et mental auprès des autorités médicales et de son entourage direct, ainsi qu’à une recherche obsessionnelle sur les trous noirs et leur fonctionnement.

Une singularité dresse le portrait lucide et bouleversant d’une génération en quête de vitesse et d’oubli, noyant son inquiétude existentielle dans l’excès, les psychotropes, les rencontres et les rave parties. La forme du roman, vive et incisive, adopte la structure du trou noir que le protagoniste sent prendre vie dans son cerveau: des phrases rythmées, incandescentes et énergiques, ponctuent les ellipses qui enferment les pertes de mémoire du protagoniste.

© Ayse Yavas

Mariann Bühler

Mariann Bühler est née en 1982 près de Lucerne. Elle a étudié la philologie anglaise, les sciences islamiques et les études de genre et vit aujourd'hui à Bâle en tant qu'auteur, médiatrice littéraire et organisatrice d'événements.

Bastien Hauser

Né en Suisse en 1996, Bastien Hauser est diplômé du master Textes et création littéraire de l’École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à Bruxelles et lauréat du Laboratoire d’écriture dramatique de la Société suisse des auteurs. Une singularité est son premier roman. (Bastien Hauser, Une singularité, Arles, Actes Sud, 2024.)